Florilège gourmand produits de la mer et des rivières

Un Tour de France des mets à base d’Anguilles

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Hôte de nombreux pays côtiers et estuariens de la façade atlantique de la France, l’anguille est un poisson fascinant par ses mœurs, son mode de reproduction, son endurance, autant que par son apparence : non recouverte d’écailles, elle ressemble à un serpent.

Pourtant, il s’agit indéniablement d’un poisson, car l’animal, vertébré, vit dans l’eau, possède branchies et nageoires ! Comme d’autres poissons migrateurs familiers par ici (alose, saumon de la Loire), l’anguille accomplit des milliers de kilomètres pour se reproduire, passant une partie de son existence (naissance, reproduction) dans l’eau salée de l’Océan et une autre (croissance, âge adulte) dans l’eau douce des rivières.

« L’épopée » débute mystérieusement dans la mer des Sargasses, au large des Antilles, seul lieu de reproduction connu des anguilles européennes. La naissance des alevins intervient dans les profondeurs. Durant un à trois ans, les alevins, longs de quelques millimètres, suivent les courants pour gagner les côtes européennes. Lorsqu’ils arrivent, devenus civelles, ils font quelques centimètres de long et sont encore transparents. Attirées par l’eau douce, les civelles remontent les rivières et les fleuves, y grandissent et y vivent une douzaine d’années. Puis, l’anguille  reprend sa route vers la mer des Sargasses pour s’y reproduire et y mourir…

La chair de l’anguille étant fort goûtée, les hommes la pêchent activement depuis le Moyen Âge, utilisant toutes sortes de techniques.

Sur le lac de Grand-Lieu (à l’est du pays de Retz), on la capture, l’automne venu, à bord d’une plate (embarcation à fond plat), au verveux (nasse en nylon) ou avec des bosselles en osier ou en grillage goudronné. Les plus belles pièces  s’y pêchent, elles, à partir du printemps, à la ligne. Dans la Grande Brière, on utilise la fouine (longue fourche à quatre doigts dentelés que l’on plante dans la vase). Dans la Loire, outre le verveux, on utilise encore le dideau (filet fixe, accroché à une barge), ou d’autres pièges comme la tezelle. Dans la Sèvre niortaise, on utilise le haveneau (filet à l’avant du bateau) ou des nasses fixes accrochées aux écluses. Au sud, dans la Charente et la Seudre, on utilise des bourolles (nasses munies d’appâts).

En mer, on la capture au chalut (équipé d’une « chaussette » à maille), ou toujours à la fouine (appelée tantôt foène). On utilise encore le carrelet…

De nos jours, les populations d’anguilles diminuent partout en Europe. D’autant que les civelles demeurent un mets très recherché, par ailleurs extrêmement coûteux. Aussi les pêche-t-on de manière exagérée (braconnage) dès leur arrivée sur les côtes atlantiques. En outre, dans le Marais poitevin comme ailleurs, le franchissement des barrages apporte aux « poissoneaux » une difficulté supplémentaire, malgré l’installation réussie de passes à civelles, et la pollution contribue à la diminution des anguilles.

En France, on consomme les anguilles issues de la pêche, il conviendrait d’imiter les  japonais qui font des élevages intensifs, car l’anguille est apprêtée dans de nombreux mets, donc on doit perpétuer sa présence, pour continuer à déguster ce poisson.

De nombreuses spécialités régionales à base d’anguille sont cuisinées en France, en voici quelques unes, à découvrir:

 

Anguille au vert

 

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L’anguille au vert (Paling in ‘t groen en néerlandais) est un plat régional flamand, une spécialité originaire de la région autour de l’Escaut mais dans le Nord de la France, on peut déguster ce plat.

Le mot « vert » se réfère à un assemblage de plantes vertes : épinards, oseille qui donnera ce goût légèrement acre, orties le piquant, persil, estragon, sauge, menthe, sarriette…

.Le plat consiste en de l‘anguille d’eau douce servie dans une sauce aux herbes vertes.

Bien qu’il s’agisse généralement d’un plat préparé à la maison, il est possible de l’acheter tout prêt mais non cuit en poissonnerie, à l’étal du marché, ou de le déguster dans un restaurant de spécialités.

 

Anguille fumée

 

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 L’anguille est fumée de manière traditionnelle au feu de bois ce qui lui confère ce goût si particulier et si prisé. 

La fumaison des produits reste sans aucun doute la phase la plus délicate du processus de fabrication, elle nécessite un savoir-faire et une attention de tous les instants.

Ce mode de préparation est pratiqué dans de nombreuses régions françaises.

 

Borrida d’anguilles

 

borrida d'anguilles

 

Sur le littoral audois, la borrida d’anguilles est un plat de choix, à base d’anguilles de l’étang de Bages, de petits crabes, pommes de terre, lard frais, blancs, ail, piment, garniture aromatique   rendent ce mets des plus savoureux.

 

Bouilleture de la Loire

 

bouilleture

 

La bouilleture telle qu’on la prépare sur les bords de la Loire consiste à faire revenir en cocotte des oignons avec des tronçons d’anguilles farinés, auxquels on ajoute du vin blanc doux, des champignons émincés, des gousses d’ail, des herbes aromatiques… On y incorpore des jaunes d’œufs pour lier la sauce, mais certains accomplissent des recettes plus élaborées, ajoutant du beurre, de la crème, du vin rouge, des lardons, des croûtons, voire, la flambent au marc. En remontant vers la Touraine, les bouilletures tendent à intégrer des pruneaux dans leur composition.

Plusieurs localités se sont fait une réputation de leur bouilleture, comme Les Ponts-de-Cé (à la périphérie sud d’Angers), autrefois halte pour les gabares, où se déroulait chaque année la « baillée des filles ». Au cours de cette fête populaire, marquée par l’élection de la « reine des pêcheurs d’anguilles », se tenait un banquet où on mangeait la bouilleture, sorte de matelote de petites anguilles.

 

Bouilliture d’anguille charentaise

 

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La bouilliture d’anguille charentaise consiste à faire mariner les anguilles toute une nuit dans du vin rouge, additionné d’un verre de cognac.

La marinade sert ensuite à préparer un court-bouillon, auquel on a coutume d’incorporer quelques pruneaux (préalablement réhydratés), une trentaine de minute avant la fin de la cuisson. Au cours de la préparation, on peut rajouter de l’ail revenu dans du beurre.

 

Catigot d’anguilles

 

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Le catigot d’anguilles est un ragoût populaire sur les deux rives du Rhône. Il tirerait son origine de Condrieu et aurait acquis sa renommée gastronomique grâce aux perfectionnements culinaires apportés par les mariniers de Port-Saint-Louis-du-Rhône.

Il est préparé en faisant cuire des anguilles avec des gousses d’ail, un morceau d’écorce d’orange séchée, un morceau de piment rouge, un bouquet garni, le tout mouillé de vin rouge et assaisonné de sel, de poivre et de cuillères à soupe d’huile d’olive.

 

Civelle ou pibale

 

pibales

 

Civelle ou pibale sont des noms régionaux désignant l’alevin (ou leptocéphale) de l’anguille européenne.

Avec un maximum de 2900 alevins par kilogramme, la larve de l’anguille mesure 7 mm lorsqu’elle quitte la Mer des Sargasses pour rejoindre les eaux continentales où elle devient adulte en douze mois.

Jusque dans les années 1970, la pêche des civelles était surtout une activité secondaire destinée à compléter l’alimentation des habitants, agriculteurs ou riverains des cours d’eau pour la plupart. Le « plat du pauvre » était fréquemment au menu, jusque dans les cantines scolaires où les civelles étaient servies froides, sous forme de pain. Lorsqu’elles étaient trop abondantes, les poules s’en régalaient volontiers…

À cette époque, l’anguille étant considérée comme un nuisible, la pêche de ces alevins n’avaient guère de limites.

Peu à peu, un marché s’est organisé et l’activité s’est professionnalisée, augmentant ainsi fortement les quantités pêchées. La demande étant croissante, les quantités pêchées l’ont aussi été, atteignant 4 000 t/an dans les années 1978-1979, contre 110 tonnes seulement en 2010.

Les acheteurs de cette denrée, autrefois locale, sont désormais des pays étrangers tels que l’Espagne, le Mexique, la Russie.

En région nantaise dans les années 1950, une fois blanchie, la civelle accompagnée d’une vinaigrette légèrement huilée à base de vinaigre de vin servait d’entrée lors des repas en famille.

La civelle s’est autrefois affichée au menu de nombreux restaurant, cependant, devant le risque d’extinction de l’espèce s’orienter vers des denrées locales moins menacées telles que les homards de Bretagne, la pêche des petits bateaux, Les civelles ou pibales sont préparées à la tomate et poivron et sont croustillantes sous la dent.

Avec de grands Chefs régionaux, Jean-Pierre Xiradakis avait créé en 1985 une association « Défense et Sauvegarde des traditions Gastronomiques » dans le but de sauvegarder les traditions bien sûr, mais aussi de sensibiliser les restaurateurs, de retrouver la saisonnalité des produits et de faire travailler les producteurs locaux.

Aujourd’hui la pêche à la pibale est très réglementée afin de préserver cette espèce en danger qui souffre aussi de la pollution, des pesticides, des barrages infranchissables des cours d’eau  et des centrales hydroélectriques.

 

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Comment les cuisiner?  La meilleure façon de les cuisiner, c’est le plus simplement possible, un aller retour dans la poêle: faire chauffer une poêle avec un filet d’huile d’olive, quelques lamelles d’ail et du piment d’ Espelette.
Verser les pibales, elles vont blanchir rapidement, remuer, ajouter éventuellement une autre « lichette » d’huile d’olive, sel et poivre et déguster sans attendre… c’est divin!

 

 

Fricassée d’anguilles bordelaise

 

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La fricassée d’anguilles bordelaise est cuisinée  à l’ail et au persil est un régal pour les gourmets, les goûts d’ail et de persil, légèrement dorés se mélangent harmonieusement.

 

Matelote d’anguille

 

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La matelote d’anguille est un mets de mariniers à base d’anguilles coupées en morceaux et cuisinées au vin rouge.

Cette matelote s’est popularisée à la fin du XVIIIe siècle dans les guinguettes des bords de Marne et de la Seine où était servi du guinguet, petit vin blanc aigre et bon marché produit en Île-de-France.

Deux gastronomes parisiens, dans les années 1780, avaient leurs habitudes au Gros Caillou, sur les bords de Seine :

« Ce lieu peuplé de guinguettes est sur le bord de la rivière, au-dessus des Invalides. Là, on mange des matelotes, objet définitif et chéri des gageures parisiennes. Une bonne matelote coûte un louis d’or ; mais c’est un manger délicieux, quand elle n’est pas manquée. Les cuisiniers les plus fameux baissent le pavillon devant tel marinier qui sait mélanger et apprêter la carpe, l’anguille et le goujon. Ils cèdent ce jour-là leur emploi à la main grossière qui manie l’aviron. Les cuisiniers ont beau être jaloux ; ils accommodent les autres plats, excepté la matelote ; ainsi l’ordonne tout maître friand ou connaisseur ».

Elle est l’héritière de la soringue d’anguille, un mets du XIVe siècle dont un bourgeois parisien donna la recette, en 1390, dans le Ménagier de Paris.

Outre les anguilles et le vin rouge, la réalisation de la matelote réclame des champignons de Paris, des oignons grelots, un bouquet garni, des gousses d’ail, un verre de cognac, du fumet de poissons, ainsi que sel, poivre, farine, tranches de pain et persil haché.

Traditionnellement la matelote est accompagnée du même vin rouge qui a servi à sa marinade.

 

Vermée

 

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La vermée est à la fois une façon de pêcher traditionnellement l’anguille dans les fossés du marais avec des vers de terre enfilés sur un brin de coton roulé en pelote, mais aussi une recette « classique » charentaise savoureuse pour accommoder l’anguille : matelote parfumée au vin rouge, petits lardons et petits oignons, croûtons parfumés à l’ail accompagnent des tronçons d’anguille des marais mijotés tout doucement: du vin rouge, des gros oignons, des carottes, des gousses d’ail, des petits oignons, du lard, du beurre, thym, laurier, ciboulette, persil,  clous de girofle en sont les ingrédients.

 

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