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Quelques écrivains gastronomes, gourmands, gourmets

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« De tous les arts, l’art culinaire est celui qui nourrit le mieux son homme ». Pierre Dac.

Nombreux sont les ouvrages de cuisine qui prolifèrent dans nos librairies.

Mais qu’en est-il de la littérature ? La nourriture a suscité depuis Rabelais, chez qui « l’odeur du vin, ô combien plus est friant, riant, priant plus céleste et délicieux que d’huile ! » (Gargantua, Prologue)… jusqu’à nos auteurs les plus contemporains, un vif engouement.

Les écrivains majeurs du XIXe siècle, pour la plupart, appréciaient la cuisine.

Leurs œuvres témoignent de l’importance qu’ils accordaient aux repas fins ou simples, aux mets exotiques ou de saison et aux vins rares ou « de soif », comme les définissait si bien Jean Carmet.

Il suffit de lire Emile Zola (Le Ventre de Paris, L’Assommoir), Gustave Flaubert (Madame Bovary, Salammbô), Guy de Maupassant (Contes de la bécasse, Boule de suif), Georges Sand (Un hivers à Majorque) pour découvrir de savoureux tableaux de cuisines où s’affairaient les marmitons et de tables joyeuses…

Voici un petit recensement d’écrivains gastronomes, gourmands, gourmets, à découvrir :

 

 

Honoré de Balzac

Pour Honoré de Balzac l’amour des belles lettres et celui de la bonne chère allaient de pair.

Le docteur Jean Vitaux est lui aussi fin gourmet et il décrypte pour nous les pratiques gastronomiques de l’auteur de La Comédie Humaine, œuvre gourmande de la littérature française.

Dans La Comédie humaine, Balzac cite plus d’une quarantaine de restaurants. Contemporain de leur expansion à Paris, comment son esprit avisé et sa gourmandise auraient-ils pu les ignorer?

Travailleur acharné, pressé et compulsif, l’auteur d’une centaine de romans et nouvelles, qui mourut à 51 ans, était un adepte de l’excès. Il passait de la frugalité exagérée à la voracité démesurée. Quand il était attelé à un roman, et à raison de dix-huit heures par jour, il se contentait de fruits, d’œufs à la coque, de sardines grillées, buvait de l’eau et surtout du café.

Un café très noir qu’il assimilait à une potion magique et fabriquait lui-même avec deux récipients séparés par un filtre et des grains achetés dans trois boutiques différentes : le bourbon, rue de l’actuelle Chaussée-d’Antin, le Martinique, rue des Vieilles- Audriettes, et le moka, rue de l’Université.

Avec le mot «fin» venait enfin la libération tant attendue. Le bon à tirer sonnait l’heure de la goinfrerie : Balzac se précipitait alors au restaurant.

Anka Muhlstein raconte : «Il avalait une centaine d’huîtres en hors-d’œuvre, arrosées par quatre bouteilles de vin blanc, puis commandait le reste du repas. Douze côtelettes de pré-salé au naturel, un caneton aux navets, une paire de perdreaux rôtis, une sole normande, sans compter les fantaisies telles qu’entremets, fruits, poires de doyenneté, dont il avalait plus d’une douzaine.» Après quoi, sans prendre le temps de digérer, celui qui se flattait d’être «un coûteux convive» adressait la note à son éditeur.

Balzac n’était pas un gastronome mais appréciait la cuisine.

 Sa littérature est d’ailleurs très nourrissante. On dévore des rillettes et des rillons de Tours dans «le Lys dans la vallée».

Chez le baron James de Rothschild de «la Cousine Bette», c’est poulet tous les soirs.

Chez les Thuillier des «Petits Bourgeois», le bouillon blanc est flanqué de canards aux olives, d’une oie aux marrons, d’un fricandeau sur de la chicorée, d’une tourte aux quenelles et d’une anguille à la tartare.

Dans «le Médecin de campagne», on découvre les vertus roboratives du bouillon d’escargots mêlés aux cuisses de grenouille et on apprend, dans «la Rabouilleuse», comment réussir une omelette «délicate» en se servant d’un cagnard en porcelaine.

Alexandre Dumas dit aussi Alexandre Dumas père

Alexandre Dumas (dit aussi Alexandre Dumas père) est un écrivain né le 24 juillet 1802 à La paternité de certaines de ses œuvres lui est contestée, mais c’est bien l’extraordinaire Dictionnaire de cuisine qu’il écrivit à la fin de sa vie.

Depuis longtemps, l’auteur des Trois Mousquetaires nourrissait le projet d’un ouvrage à la gloire de cette bonne chère qui avait tenu une si grande place dans son existence. Il avait, pour ce faire, accumulé une abondante documentation. Ce livre devait, disait-il, couronner sa carrière d’écrivain. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il tint sa promesse, car cette œuvre colossale, qui se lit comme l’un de ses romans, représente, comme l’a écrit l’un de ses biographes, « la plus magistrale introduction qui ait été conçue à l’art de cuisiner. »

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pas à proprement parler d’un recueil  de recettes.

Comprenant, dans cette version, plus de 360 entrées, ce dictionnaire dresse la liste de tout ce qui se rapporte à la gastronomie : aliments, épices, boissons, métiers de bouche, techniques culinaires, instruments de cuisine et jusqu’aux méthodes employées par les professionnels de l’époque pour soigner les brûlures.

Alexandre Dumas a été un grand écrivain et aussi un incroyable gastronome : … le cuisinier, l’hôte de table, son goût pour les cuisines orientales et exotiques, l’inventeur de recettes, comme le poulet à la ficelle et le potage aux queues de crevettes ou encore les pieds d’éléphants et la queue de kangourou. Le talent et l’imagination de Dumas à table !

Le Grand Dictionnaire de Cuisine est l’œuvre maîtresse des dernières années d’Alexandre Dumas. On trouve dans ce très gros volume le reflet de toute une vie de passionné de gastronomie. Avec sa verve habituelle, Dumas y livre pèle-mêle une multitude d’anecdotes culinaires et de recettes.

Gustave Flaubert

Gustave Flaubert est un écrivain né à Rouen le 12 décembre 18211 et mort à Croisset, lieu-dit de la commune de Canteleu, le 8 mai 1880.

Prosateur de premier plan de la seconde moitié du XIXe siècle, Gustave Flaubert a marqué la littérature française par la profondeur de ses analyses psychologiques, son souci de réalisme, son regard lucide sur les comportements des individus et de la société, et par la force de son style dans de grands romans comme Madame Bovary (1857), Salammbô (1862), L’Éducation sentimentale (1869), ou le recueil de nouvelles Trois contes (1877).

Flaubert est sans nul doute un bon vivant. Toute sa vie, il sera fidèle à sa double culture gastronomique à la fois provinciale et parisienne.

 Dans ses romans, il aura toujours le souci et l’habileté d’établir des liens entre culture et nourritures terrestres. Les mets, la cuisine et la manière de manger étant souvent le reflet le plus réaliste d’une civilisation, d’une classe, d’une communauté ou d’un territoire. Il illustre parfaitement dans ses écrits le mot de l’un des frères Goncourt : « Le peuple déjeune, la bourgeoisie dîne, la noblesse soupait. L’estomac se lève plus ou moins tôt chez l’homme selon sa distinction. »

Quant à Flaubert lui-même, comme en témoignent ses écrits et sa silhouette, il fut pendant toute sa vie un amateur de bonne chère

 » En province, la vie tourne autour de la table. Les souvenirs de famille sont des souvenirs de galas. La cuisine y est l’âme de la maison; et dans un coin les aïeules parlent d’une voix cassée des pêches qui étaient plus belles de leur temps et des écrevisses dont un cent, en leur jeune temps, emplissaient une hotte. Le tournebroche est comme le pouls ronflant de la vie provinciale. L’appétit y est une institution; le repas une cérémonie bienheureuse, la digestion une solennité. La table en province est ce qu’est l’oreiller conjugal au ménage, le lien, le rapatriement et la patrie. Ce n’est plus un meuble, c’est presqu’un autel. L’estomac prend en province quelque chose d’auguste et de sacro-saint. Le ventre n’est plus ventre, mais quelque chose de soi, d’où se répand dans tout le corps une joie animale et saine, une plénitude et une paix, un contentement des autres et de soi, une douce paresse de tête et de coeur et le plus tranquille acheminement de l’homme vers une belle apoplexie. »

Quant à Paris notre cher Gustave n’aura de cesse de fréquenter les restaurants en vogue Chez Magny, puis chez Brébant, le Véfour, les Frères Provençaux, La Pérouse, mais aussi les bonnes tables chez ses amis, les Goncourt, la princesse Mathilde… 

Théophile Gautier

C’est cet univers gastronomique de Gautier qu’Alain Montandon reconstitue dans un délicieux essai, La Cuisine de Théophile Gautier (Editions Alternatives, 128 pages, 12 €). « Le bonheur de la nourriture, écrit l’auteur, traverse toute l’œuvre de l’écrivain : il est étroitement lié à l’amour, à la sympathie entre convives. Mais c’est aussi un rêve, une vision, tout un imaginaire qui ne craint nullement les superlatifs. »

Toute la personnalité de Gautier se trouve bien là résumée ; derrière l’homme, jovial, bon vivant, truculent, amateur de plaisirs terrestres et de mots précis, se cachait un cérébral pour lequel l’imaginaire culinaire jouait un rôle aussi important, sinon plus, que la table elle-même. Cet imaginaire puissant se nourrissait probablement d’une angoisse de la faim (exprimée dans Le Capitaine Fracasse et dans Tableaux de siège) qui, comme le rappelle Alain Montandon, rejoignait chez lui l’angoisse de la mort. 

Henry-René-Albert-Guy de Maupassant

Henry-René-Albert-Guy de Maupassant est un écrivain né le 5 août 1850 au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arques (Seine Maritime) et mort le 6 juillet 1893 à Paris.

Lié à Gustave Flaubert et à Émile Zola, Guy de Maupassant a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-1888, et surtout par ses nouvelles (parfois intitulées contes) comme Boule de suif en 1880, les Contes de la bécasse (1883) ou Le Horla (1887).

À l‘auberge Fournaise, reconnu, on lui offre un copieux déjeuner, et rassasié, l’écrivain inscrit sur un mur, sous une gueule de chien peinte : « Ami, prend garde à l’eau qui noie, / Sois prudent, reste sur le bord, / Fuis le vin qui donne l’ivresse;/ On souffre trop le lendemain./ Prend surtout garde à la caresse/ Des filles qu’on trouve en chemin… » . Trois ans plus tard, Maupassant écrit ce que d’aucuns considèrent comme le plus abouti de ses romans, Pierre et Jean, en 1887-1888. « La gourmandise tue davantage que l’épée« .

« Parbleu ! Il n’y a que les imbéciles qui ne soient pas gourmands. On est gourmand comme on est artiste, comme on est instruit, comme on est poète. Le goût, mon cher, c’est un organe délicat, perfectible et respectable comme l’œil et l’oreille.

Littérature et gourmandise font souvent bon ménage. En terre normande, pour célébrer le printemps, pourquoi ne pas saluer Guy de Maupassant, écrivain certes universel mais qui exalta  le terroir comme nul autre pareil.

« De toutes les passions la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise ». Guy de Maupassant.

François Rabelais

François Rabelais inventa sinon le mot de Gastronomie, que l’on doit à Berchoux en 1801, du moins le concept : il nous parle d’une curieuse peuplade : les Gastrolâtres qui avaient coutume de ne rien faire, de ne point travailler, « craignans le ventre offenser et emmaigrir ».

Ces gastrolâtres « tenoient Gaster pour leur grand Dieu, (…) et le servoient, aymoient sur toutes choses, honoroient comme leur Dieu ». Ils sacrifiaient à Gaster leur Dieu ventripotent représenté par une statue grotesque appelé Manduce, une liste de produits et de plats apprêtés spécialement, dont la liste tient sur plusieurs pages !-, qu’ils lui enfournaient par la bouche.

C’est un véritable catalogue de tout ce qui pouvait se manger à l’époque : si l’on y trouve des plats traditionnels comme les carbonnades (de six sortes), les hochepots, les boudins, les fricandeaux, les andouillettes caparaçonnées de moutarde, on trouve toute une liste de gibiers, certains classiques comme les hures de sangliers, les faisans, les ortolans, d’autres qui nous prouvent que l’on mangeait tout ce qui pouvait être consommé comme les porcs-épics, et tous les oiseaux qui peuplent nos régions du butor à l’aigrette, en passant par les tadornes, les courlis, les pluviers, les flamants,etc…Une liste bien appétissante !

Marcel Rouff

Marcel Rouff, né à Genève en 1877 et mort à Paris en 1936, est un poète, romancier et gastronome français d’origine suisse.

Fils de l’éditeur Jules Rouff, compagnon de route de Curnonsky, Marcel Rouff est l’un des fondateurs de l’Académie des gastronomes. Il est principalement connu pour son livre: La vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet, qui raconte sous une forme humoristique la vie d’un passionné de gastronomie, fortement inspiré de Curnonsky.

Dodin-Bouffant est un Brillat-Savarin à la sauce IIIe République. Le célèbre gastronome, mort en 1826, auteur de la Physiologie du goût est ici réincarné dans la peau d’un bourgeois esthète, épicurien, radical, généreux qui représente tout ce que l’esprit républicain a de plus enviable. C’est un saint dont Rouff dresse le portrait. Le titre déjà sonne comme une hagiographie, une hagiographie laïque et profane.

À travers la cuisine s’exprime le Génie français. Il s’agit d’élever la cuisine à la hauteur des Beaux-Arts, de démontrer que c’est par elle que s’exprime le génie français. « La grande, la noble cuisine est une tradition de ce pays. Elle est un élément séculaire et appréciable de son charme, un reflet de son âme. […] partout ailleurs, on se nourrit ; en France seulement on sait manger. », écrit Rouff dans sa « Justification » qui ouvre le livre. Phrase qui est une simplification – comme le dit Rouff lui-même,de la célèbre formule de Brillat-Savarin : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ». La France éternelle est toute présente dans sa cuisine. Grâce à elle, la République, et plus particulièrement la troisième du nom, se place ainsi dans le respect de la tradition, se donne des lettres de noblesse, s’insère dans la longue Histoire, et perpétue, en le sublimant, le riche héritage. La France, ce n’est pas la monarchie de droit divin, ce n’est pas un territoire qui s’est constitué au fil des siècles par la volonté de rois guerriers, la France, ce n’est pas la fille aînée de l’Église, la France ce n’est pas un pays conquérant qui se transforme en Empire. Non, la France, c’est une tradition culinaire unique, qui remonte aux Gaulois. Voilà ce que nous dit Marcel Rouff.

Marcel Rouff est l’un des fondateurs avec Curnonsky de l’Académie des gastronomes. Poète et romancier, il a publié de nombreux ouvrages assez éclectiques pendant sa vie. Mais seul La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant, est passé à la postérité. 

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